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Le green clubbing : quand la nuit passe au vert

Publié le 9 mai 2022 à 22h00

Boîte de nuit
Boîte de nuit

Jeux de lumière, grosses sonos et des DJ venant des quatre coins du globe, rien n’est trop exubérant lorsqu'il s’agit de faire danser. Mais face à la menace climatique, le monde de la nuit remet en question son modèle pour l’adapter aux enjeux écologiques. Alors, comment s’ambiancer sans trop consommer ?

Trente tonnes de CO2 : voilà ce que consommerait annuellement une petite boîte de nuit selon l’initiative allemande Clubtopia. En partenariat avec la municipalité et des associations du milieu, celle-ci cherche à sensibiliser les lieux de fêtes à Berlin, des acteurs aux clubbers, aux questions environnementales et à la transition écologique. 

Un enjeu de taille pour la capitale allemande qui vise la neutralité carbone en 2050 tout en maintenant sa vie nocturne à la réputation internationale. Pas question de fermer boutique ou de renoncer aux soirées : il faut repenser la nuit.

Accompagner la transition écologique

Des collectifs comme DJs For Climate Action, The Green Room, Music Declares Emergency (MDE) se mobilisent et proposent d’accompagner le monde de la musique live et des clubs sur une voie plus durable. MDE, lancé au Royaume Uni en 2019 puis en 2021 en France et soutenus par des artistes tels que Massive Attack, Brian Eno ou Rone, veut alerter chaque acteur de la filière à agir en faveur du climat en posant l’objectif zéro émission de gaz à effet de serre d’ici 2030. 

Cela commence par des petits gestes à transformer en réflexes. En France, de nombreux établissements s’engagent en faveur du développement durable comme la Machine du Moulin Rouge et des tiers-lieux comme la Cité Fertile ou le Consulat qui font de la sensibilisation à l’environnement leur raison d’être. 

Les pailles, les bouteilles en plastiques, les gobelets jetables ont été bannis, tandis que les matériaux recyclables, la récupération des eaux de pluie, voire le tri et le compost des déchets organiques sont privilégiés. Des mesures qui touchent jusqu’à la programmation, puisque les artistes locaux sont, tant que faire se peut, favorisés à l’affiche.

Faire appel à des artistes locaux

Un club construit notamment sa renommée avec des têtes d’affiche qui, souvent, voyagent loin pour une soirée et jouent un set de quelques heures seulement. Une pratique qui alerte, comme le souligne le rapport du collectif Clean Scene « Last Night a DJ took a flight » (Hier soir, un DJ a pris l’avion). Selon eux, en 2019, les 1000 DJ les plus demandés au monde ont pris 51 000 vols émettant ainsi près de 35 millions de tonnes de CO2, équivalant à « l'alimentation en électricité de 20 000 foyers pendant un an ou de 8 000 festivals pendant trois jours ou à la pression de 25 millions de disques ». 

Un constat inquiétant aussi partagé dans les tribunes du journal Libération en 2020 par le DJ Simo Cell qui appelait alors à «considérer l’avion comme le dernier recours pour [se] déplacer et voyager, le plus possible, en train au sein d’un même continent. Pour cela, il est nécessaire de penser les concerts dans une logique de tournée afin de mettre en place des tours qui font sens économiquement et écologiquement. » Tourner en train, voilà l’engagement qu’embrasse la DJ et activiste belge Gigsta. On nomme cela le « slow gigging » : réaliser des tournées bas-carbone. Le concept était d’ailleurs au cœur des discussions du festival “Rencontres Nationales : Écologies et musiques actuelles” de la Gaîté Lyrique à Paris en avril dernier.

Mettre tous le monde à contribution

Si les acteurs de la nuit se mobilisent et innovent pour offrir un modèle plus durable, ils n’hésitent pas à mettre à profit les clubbers. C’est en tout cas le pari fou de la boîte de nuit glasvegienne SWG3 qui fonctionne grâce au “body heat”. 

Rien à voir avec une énième routine minceur : c’est un système qui utilise des pompes à chaleur et des fluides pour capter les quantités prodigieuses de chaleur corporelle générées par le public. Cette chaleur peut ensuite être utilisée pour ventiler ou chauffer le bâtiment, ou même stocker cette énergie pour un usage ultérieur. Avec ce système, on peut minimiser l’utilisation d’électricité et de gaz et ainsi réduire les émissions de carbone : 70 tonnes de rejet CO2 par an pourraient être évitées au sein du club SWG3. Une avancée considérable par rapport à la fameuse piste de danse du feu WATT à Rotterdam. Imaginé par le Studio Roosegaarde, ce sol permettait de récupérer l’énergie des danseurs pour alimenter la cabine du DJ et l’éclairage du bâtiment. 

La fête devient alors un vecteur de sensibilisation. Faire prendre conscience des enjeux contemporains à travers la performance, la culture et la danse est une pédagogie plus douce et tout aussi concrète qu’un article ou un spot de réclame alarmiste. Les concerts et les soirées sont des moments de rassemblement, de synergie pouvant être utilisés pour fédérer autour de valeurs éco responsables tout en préservant la dimension festive de ces évènements. Qui a dit que l’écolo ne pouvait pas être disco ?

Autrice : Carla P

Crédit : Jérôme Govender

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