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Le retour en grâce du Karaoké
Publié le 15 mai 2024 à 09h27
Un peu ringard, souvent kitsch, parfois clivant, le karaoké n’a pas toujours la vie facile. Et pourtant, c’est une expérience assez unique. C’est la magie de cette activité : qu’on soit bon ou mauvais, s’égosiller sur un arrangement musical douteux est généralement une expérience cathartique franchement drôle.
Chanter sous la douche, hurler par-dessus la radio en conduisant ou faire du playback devant son miroir armé de sa brosse à dents ou d’un sèche-cheveux, on l’a tous déjà fait. Rien de tel pour relâcher la pression ! Dans ce contexte, il n’est pas difficile de comprendre le succès du karaoké. Des bars remplis d’inconnus qui reprennent des tubes des années 1980 à l'intimité d'une soirée entre amis, il incarne la garantie d'une soirée réussie, où le plaisir, les rires et le partage seront au rendez-vous.
Mais comment le karaoké est-il né ? Sans surprise, l’histoire commence au Japon. En 1967, un homme nommé Shigeichi Negishi dirige une usine d’électronique et écoute régulièrement des versions instrumentales de chansons à la radio au réveil. Un jour, alors qu'il chante (apparemment mal) au bureau, un collègue se moque de lui. Convaincu du contraire, Negishi file chez un ingénieur voir s'il est possible de brancher un micro sur un magnétophone diffusant une piste instrumentale. Trois jours plus tard, le prototype de karaoké est prêt, et Negishi enregistre sa voix sur une chanson.
Ainsi la « Sparko Box » voit le jour : une boîte avec des boutons de réglage du son, une fente pour les pièces et un panneau lumineux synchronisé avec la musique. 8 000 unités sont vendues au Japon entre 1967 et 1975, qu’aucun brevet ne protège. Malgré le succès modeste initial, la concurrence copie rapidement et développe le concept du karaoké. Negishi est rapidement exclu de l'industrie. Il s’est éteint au début de l’année 2024, à l’âge de 100 ans.
De la « Sparko Box » aux Box à privatiser…
Depuis les années 1970, le concept a fait du chemin et s'est imposé comme un incontournable du divertissement. L'engouement pour le karaoké ne cesse de croître : si le Japon reste le berceau de cette pratique, l'Europe voit émerger un marché dynamique, avec une croissance annuelle de 2,52%, pour atteindre 5,733 millions de dollars, selon les prévisions du « Global Karaoke Market » Insight Report, en 2024. Au-delà des chiffres, le succès du karaoké repose sur sa capacité à créer du lien social : à une époque où l'individualisme menace de nous isoler, le karaoké rassemble. C'est un moment de joie collective, une échappatoire aux pressions du quotidien, que ce soit entre amis ou entre collègues.
À cet égard, les salles de karaoké à privatiser, importées du continent asiatique, ont révolutionné l'expérience en la matière. Des pionniers comme KaraFun ont su capter l'essence de cette pratique et l'adapter au public. Le catalogue KaraFun, gratuit et accessible avec un simple smartphone, a rythmé plus d’une soirée entre copains. Désormais, le pari se poursuit en physique puisque l’entreprise française vient d’ouvrir son troisième bar, son premier à Paris, avec 16 salles dans l’ex-Memphis, nightclub mythique de la capitale. Le principe est simple : on réserve avec son groupe et il n’y a plus qu’à lancer l’un des milliers de morceaux disponibles dans le catalogue. Dans la même veine, BAM Karaoké Box continue sa lancée. Depuis 2014, l’entreprise a su conquérir le cœur des jeunes, son public cible. Aujourd'hui, avec six lieux en France, deux à Madrid, et bientôt un à Londres, elle connaît un succès retentissant. « On accueille quasiment 400 000 personnes par an sur nos lieux en France, à Paris, à Bordeaux et en Espagne. On fait près de 10 millions d'euros de chiffre d'affaires », déclarait Arnaud Studer à France Culture en janvier dernier. Vous l’aurez bien compris, on ne manque pas d’occasions pour se mettre en boîte. Dans les Alpes suisses, cet hiver, certains skieurs ont même pu monter à bord… de la première télécabine karaoké au monde ! Un coup de pub signé Ricola qui, on n’en doute pas, a permis d’atteindre des sommets à plus d’un vacancier.
… au Box-Office
Alors bien sûr, il faut parfois une bonne dose de courage pour se lancer. Les moments de gêne ou de coup d’éclat derrière le micro, c’est encore au cinéma qu’on en parle le mieux. Il est vrai que dans les films, on va souvent au karaoké. Ça peut être un piège comme dans Le mariage de mon meilleur ami, avec une Cameron Diaz très BCBG qui ne lâche rien sur « I just don’t know what to do with myself » de Dusty Springfield, ou pour séduire sa moitié dans A life less ordinary ou 500 jours ensemble. Ou, un instant suspendu entre inconnus comme dans Lost in Translation avec Scarlett Johannson et sa perruque rose qui livre une performance plus qu’honorable de « Brass in Pockets » des Pretenders au royaume de la discipline : l’électrique Tokyo. Ces scènes sont aujourd’hui cultes et ont donné des idées : et si on chantait au cinéma ?
Mamma Mia !, Grease, West Side Story… voici un échantillon de films dont les chansons sont les véritables stars ! Désormais, on peut faire du karaoké au cinéma avec L’écran Pop. Inspiré du « sing-along », un concept qui nous vient de chez nos amis les Anglais, où l’on chante sur des films musicaux dans une ambiance à la joie contagieuse, il a débarqué en France en 2017. Depuis, plus de 100 000 personnes se sont succédé dans les salles de l’hexagone pour s’époumoner sur la BO de leurs films préférés. Plongés dans l’obscurité de la salle, on chante en cœur dans une ambiance conviviale et décomplexée, et ça, ça fait du bien !
Autrice : Carla P
Crédit Photo : Drazen Zigic/iStock