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Sherlock Holmes en Pléiade : la consécration du roman policier
Publié le 15 décembre 2025 à 09h12

En mai dernier, les éditions Gallimard ont publié l'intégrale des aventures du célèbre détective victorien dans leur prestigieuse collection. Au-delà de l'événement éditorial, c'est toute une conception de la hiérarchie littéraire qui se trouve bouleversée.
Dans les allées feutrées de la librairie Gallimard, boulevard Raspail, les deux coffrets recouverts de cuir beige trônent désormais aux côtés de Proust et de Flaubert. 2 432 pages, quatre romans et cinquante-six nouvelles : l'œuvre complète d'Arthur Conan Doyle fait son entrée dans la Bibliothèque de la Pléiade. Un événement qui aurait pu n'être qu'un volume de plus dans l'histoire d'une collection habituée aux consécrations posthumes. Pourtant, cette publication marque une rupture symbolique majeure dans la paysage littéraire français : pour la première fois, le roman policier, ce « mauvais genre » longtemps relégué aux bas-fonds de la littérature, accède au panthéon des classiques.
Le « mauvais » genre
Certes, Georges Simenon était déjà entré dans la Pléiade en 2003, mais sa présence relevait d'une logique différente. L’auteur belge a toujours été considéré comme un « grand romancier » qui écrivait aussi des polars. Ses romans « durs », ses explorations psychologiques, permettaient de le dissocier du genre policier pur. Avec Sir Conan Doyle, impossible de jouer sur cette ambiguïté. Sherlock Holmes, c'est LE roman policier dans sa forme la plus classique : l'énigme, les indices, la déduction, la résolution. C'est la littérature populaire assumée, celle qui paraissait dans les magazines bon marché pour divertir le grand public.
Cette consécration ouvre potentiellement la voie à d'autres auteurs du genre : Agatha Christie, Maurice Leblanc, Raymond Chandler, Dashiell Hammett. Elle sanctionne ce que des générations de lecteurs savaient déjà : qu'il existe de la grande littérature dans le roman policier et que les frontières entre « littérature noble » et « genres populaires » n'ont plus lieu d'être.
Des éditions qui font rêver les collectionneurs
Si la Pléiade consacre Holmes dans le temple de la littérature française, il existe tout un univers parallèle d'éditions anciennes qui fascinent les collectionneurs du monde entier. Des objets qui témoignent de l'histoire éditoriale du personnage et qui ont, pour certains, traversé plus d'un siècle.
Au sommet de cette hiérarchie trône le « magazine le plus cher du monde » : le Beeton's Christmas Annual de 1887, qui a publié la toute première aventure de Holmes, Une étude en rouge. Vendu à l'origine un shilling, ce modeste fascicule peut aujourd'hui atteindre 156 000 dollars en vente aux enchères. Il n'en existe que 34 exemplaires survivants dans le monde, dont seulement 11 complets avec la couverture et les publicités d'origine. Ce qui fascine, ce n'est pas tant le prix que l'objet lui-même : tenir entre ses mains le magazine exact que des lecteurs victoriens ont découvert en 1887, c'est toucher à l'histoire littéraire.
Dénicher ses propres trésors en seconde main
La bonne nouvelle ? Pas besoin du talent du célèbre détective pour chiner ses aventures ! Les sites de seconde main, les brocantes et les bouquinistes regorgent de pépites qui permettent de lire Holmes dans des éditions qui ont du caractère. Sur les sites de revente, vous trouverez régulièrement des éditions françaises des années 1950-1970, des éditions illustrées oubliées de petits éditeurs. Pour débuter une collection, on se concentre sur les Livres de Poche des années 1960-1980, les éditions françaises illustrées années 1950, celles avec les illustrations originales de Sidney Paget ou les traductions anciennes avec de belles couvertures vintage.
Surtout n’oubliez pas : pendant que les critiques snobaient Holmes, les pionniers de la police scientifique s'en inspiraient : Rodolphe Archibald Reiss à Lausanne, Edmond Locard à Lyon. Ce personnage de fiction a changé la réalité, transformant la déduction en science contre le crime. Mais Holmes, ce n'est pas que les empreintes de pas et les analyses de cendres de cigare. Ce sont aussi les pantoufles râpées, le violon grinçant à 3 heures du matin, les expériences chimiques dans le salon, Watson qui lève les yeux au ciel.
Cette tension entre le mystérieux (voire le fantastique) et le familier qui fait qu'on revient toujours au 221B Baker Street comme on rentre chez soi. Alors, menez votre propre enquête. Votre mission : dénicher une édition vintage qui a du vécu. Les indices sont là. Le jeu commence maintenant.
Autrice : Carla P
Crédit Photo : "La Vie privée de Sherlock Holmes" de Billy Wilder - United Artists Corporation

