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We Love Green, terrain d’expérimentation pour un secteur de l’événementiel plus vertueux

Publié le 10 avril 2024 à 14h32

Le festival We Love Green au coeur du Bois de Vincennes
Le festival We Love Green au coeur du Bois de Vincennes

Vous le savez, L’avenir a du bon est partenaire du festival We Love Green ! Fil rouge de cette 13ème édition, la biodiversité est au cœur de l’engagement de la manifestation. Son crédo : faire évoluer les pratiques des festivaliers et du secteur événementiel, en promouvant des pratiques éco-responsables et en sensibilisant son public aux enjeux du développement durable. Pour la première fois, le festival s’associe avec des chercheurs pour mesurer son impact sur la biodiversité.

Depuis sa première édition en 2011, We Love Green a su se distinguer comme un festival pionnier dans l’éco-responsabilité, marquant les esprits par son engagement pour un avenir plus durable. Après plus de 10 bilans carbone, dont le dernier en 2023 atteste d’une réduction significative des émissions grâce au passage à une offre 100% végétarienne, cette année, le festival place la biodiversité au cœur de ses préoccupations. Il lance une étude ambitieuse pour évaluer son impact sur l’environnement naturel du Bois de Vincennes, où il prend vie. Le principe est aussi simple qu’inédit : utiliser la manifestation comme terrain d’expérimentation. L’initiative est pluripartite, puisque l’étude est menée avec  les cabinets Ekodev, Nabi Ecology, et grâce à des protocoles partagés avec le CESCO - Centre des Sciences de la Conservation (MNHN-CNRS-SU). Dès ce printemps jusqu’en 2026, des capteurs d’ultrasons dédiés aux chauves-souris et des nichoirs à oiseaux seront installés sur site afin d’évaluer les conséquences des pressions d’un festival de musique sur la biodiversité, et particulièrement les pressions liées aux perturbations sonores, lumineuses et à la présence des festivaliers en grand nombre.  L’avenir a du bon est allé à la rencontre des deux scientifiques à la tête de cette étude : l’écologue, docteur en écologie et fondatrice du cabinet Nabi Ecology, Hortense Serret, et Fabien Claireau, chercheur associé au CESCO.

L’ADB :  C’est un projet d’étude inédit que lance We Love Green cette année, comment a débuté cette collaboration ?

Hortense Serret : C'est une démarche passionnante. Lorsqu’Ekodev, un bureau d'études en développement durable, m'a proposé de participer à  ce projet, j’ai été tout de suite emballée. Nous avons échangé avec des écologues du Centre d'Écologie et des Sciences de la Conservation du Muséum national d'Histoire naturelle (Cesco) pour mettre en place des protocoles sur des groupes d’espèces cibles qu’il nous paraissait intéressants de suivre. Les espaces boisés sont cruciaux pour les citadins, offrant un contact précieux avec la nature en milieu urbain. Organiser ce festival en plein air permet de renouer avec la nature. Nous aspirons à profiter de ces moments, à être à l'extérieur, à danser. Cependant, il est essentiel de se demander quels sont les impacts de ces activités, notamment lorsqu’on rassemble autant de personnes dans un même endroit. On le sait, chacune de nos actions a un impact sur l'environnement. Réaliser ce type d'étude nous permet d'identifier ce que ça implique réellement pour les écosystèmes et d'agir en conséquence. Il s'agit de trouver un équilibre entre le plaisir de profiter de la nature et la conscience des autres espèces qui partagent notre environnement : on peut continuer à faire la fête en plein air tout en évitant et réduisant certains impacts négatifs. Cela relève de l'éthique environnementale, en questionnant notre relation à l'environnement. Nous ne sommes pas là pour le dégrader, mais pour le respecter. D'autres êtres vivants nous rendent des services, et leur préservation est cruciale pour la régulation des écosystèmes. Il est essentiel d’apprécier l'importance de notre interdépendance avec la nature ! 

L’ADB : Quelles sont les principales préoccupations environnementales concernant le Bois de Vincennes et le Festival ? 

HS : Le Bois de Vincennes est déjà assez urbanisé et de nombreuses parcelles ont été replantées il y a une vingtaine d'années, ce qui est relativement jeune pour un boisement. Cette zone était autrefois une base militaire, donc loin d'être une forêt primaire ! Par exemple, on y trouve beaucoup de marronniers qui ne sont pas des espèces locales. De plus, il y a peu de zones où les bois sont anciens et riches en biodiversité. Les espèces qui y vivent ont déjà surmonté ce qu’on appelle des “filtres environnementaux” et sont donc adaptées à la présence humaine et aux différents types de perturbations. Le festival va introduire une perturbation ponctuelle mais significative, avec une affluence et un niveau sonore supérieurs à la normale. Il est important de comprendre si ces perturbations auront des répercussions sur l'écosystème. Ainsi, nous nous concentrons sur les effets de la pollution sonore, lumineuse et des dérangements dus à la présence humaine sur les oiseaux, les chauves-souris, la flore et les sols. 

Fabien Claireau : We Love Green se déroule dans un secteur très particulier, puisque le Bois de Vincennes est dans une zone enclavée avec différentes pressions telles qu’une très forte urbanisation, l’éclairage artificiel, la fréquentation humaine, etc. Dans le cadre d’une répétabilité du protocole dans un autre secteur biogéographique, par exemple, en Camargue, outre la différence d’habitats naturels, il y a d’autres espèces avec des sensibilités différentes aux pressions. On pourrait donc émettre l’hypothèse qu’un festival de musique en milieu urbanisé tel que We Love Green aurait moins d’impact qu’en pleine nature. Les effets restent à démontrer car il n’existe que très peu d’études sur le sujet, du moins concernant les chauves-souris.

L’ADB : L’étude a vocation à se poursuivre jusqu'en 2026. Comment comptez-vous vous organiser ?

FC : Au niveau des protocoles, pour les chauves-souris, c'est en cours et nous avons bien avancé. Des enregistreurs à ultrasons seront installés en amont du festival, c'est-à-dire avant le montage, pendant le montage, pendant le festival, pendant le démontage et après le festival, afin d’évaluer le potentiel impact sur l’activité de chasse et de transit des chauves-souris. Par ailleurs, nous avons prévu de répéter ce protocole en zone témoin répondant aux mêmes caractéristiques environnementales où il est présumé de ne pas avoir d’impact. Ainsi, on va pouvoir comparer les mesures d'activité entre ce qui se passe au niveau du festival et au niveau du contrôle aux différents stades du festival. 

HS : Nous avons installé des nichoirs qui ont vocation à rester implantés dans le Bois de Vincennes, en lien avec les services de la Ville de Paris. Nous les avons géolocalisés donc un suivi sera fait tous les ans pour identifier les périodes de construction de nids, les périodes de couvée, le nombre d'œufs par nid, le nombre de jeunes à l’envol. Si les résultats de cette année sont intéressants, nous pourrons aller plus loin dans les analyses sur les prochaines années, avec même des suivis des courbes de croissance des poussins par exemple. En ce qui concerne les suivis floristiques, nous cherchons à savoir si le piétinement a des effets sur le cortège floristique. Comme nos relevés sont standardisés (on utilise le protocole Florilège du programme Vigie-Nature), on peut comparer et faire un suivi des résultats année après année. 

L’ADB : Ces protocoles sont-ils duplicables ? Pourraient-ils servir à d'autres événements ?

FC : On fait en sorte à chaque fois que le protocole d’une étude soit réplicable en réponse à une/des question.s posée.s, une/des hypothèse.s testée.s. Il s'agit ici, dans un premier temps, de balayer les idées et les incertitudes qu'on peut avoir pour affiner les données, avancer dans le temps et tirer des conclusions solides. En effet, cette expérience avec We Love Green est aussi expérimentale de par le manque d’études sur le sujet en rapport avec les chauves-souris. Et l'intérêt d’avoir un protocole répétable permettrait de réunir plusieurs festivals dans un même jeu de données afin de mieux affiner, s’ils sont démontrés, les facteurs ayant un impact. A partir de là, si on venait à identifier des impacts plus importants, cela pourrait permettre de définir des mesures appropriées.

HS : We Love Green est en lien avec de nombreux festivals et événements en plein air qui se posent tous les mêmes questions. S’ils sont de plus en plus nombreux à dresser un bilan carbone, aucun n'a encore de référence par rapport à son impact sur la biodiversité. Nous engageons une démarche inédite qui est de produire une méthodologie qui puisse ensuite être répliquée sur d'autres événements. C'est aussi pour ça que le Centre National de la Musique (CNM) soutient cette étude dans le cadre de l'aide aux diagnostics des lieux de diffusion. Il y a un vrai intérêt pour la filière.

Retrouvez-nous sur lebonspot au sein du Villages des Initiatives du Festival We Love Green, du 31 mai au 2 juin 2024.

Autrice : Carla P

Crédit Photo : Luc Marechaux

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