# Économie

Au salon des agricultrices, les femmes prennent le taureau par les cornes

Publié le 19 mars 2023 à 23h00

La cité fertile à Pantin (93)
La cité fertile à Pantin (93)

À quelques kilomètres de l’incontournable Salon international de l’agriculture de Paris s’est tenu, le premier week-end de mars, un événement pour mettre en valeur les femmes qui font vivre l’économie rurale. Bienvenue au Salon des Agricultrices. 

En ce premier week-end de mars, le ciel est gris à Pantin. Il fait un froid de canard, mais une bonne odeur de plats chauds se dégage de la Halle de la Cité Fertile. Il suffit de rentrer pour y découvrir un petit marché d’une quinzaine de stands qui ont tous un point commun : ils sont tenus par des femmes. Des jeunes, des moins jeunes, elles se rencontrent et se réunissent là pour une chose : faire découvrir leur travail et leur passion. Dans ce grand marché couvert, on découvre alors des vins, des bougies, des tisanes ou encore des pâtisseries. De quoi plaire à tous les sens. 

Pour ce dernier week-end du Salon International de l’Agriculture, elles ont décidé de se retrouver à l’opposé de la Porte de Versailles. Elles sont productrices, artisanes ou agricultrices et se sont réunies à la Cité Fertile pour participer au premier Salon des Agricultrices. Un espace de rencontre défendant « plus que jamais la dignité et la force de celles qui nous nourrissent ». 

Les femmes, pivot de l’agriculture internationale

Entre marchés de productrices, ateliers et espaces de rencontres avec les professionnel.les, le Salon des Agricultrices proposait également des tables rondes afin d’apporter une autre vision de l’agriculture. À l’occasion de l’une de celles-ci, la directrice générale de l’ONG SOL, Clotilde Bato, a pu rappeler que plus de 40 % de la force de travail agricole dans le monde est tenue par des femmes. Un chiffre astronomique alors que celles-ci ne sont pas reconnues à leur juste valeur. 

En effet, aujourd’hui encore, les femmes exerçant une profession agricole n’ont pas toutes accès au statut d’agricultrice. Et lorsqu’elles l’ont, elles travaillent en moyenne deux heures de plus que leurs homologues masculins. Des observations qui sont d’autant plus glaçantes que, comme l’évoque Clotilde Bato, la loi d’orientation agricole invisibilise les femmes en ne les mentionnant pas alors qu’elles représentent 40 % des nouveaux installés en 2020 et que, lorsqu’elles s’installent, elles entreprennent des projets en bio.

C’est le cas de Perrine Hervé-Gruyer, pionnière en France de la permaculture et détentrice du statut d’agricultrice. Co-fondatrice de la ferme du Bec Hellouin, une ferme en permaculture, elle aide aujourd’hui les agriculteurs et agricultrices à se lancer dans des méthodes de travail plus respectueuses de la nature. « Les femmes ont une appréhension presque maternelle de la production alimentaire. Elles veulent donner à leur client, la même chose que ce qu’elles donneraient à leurs enfants » explique l’agricultrice. Une appréhension qui mériterait d’être mise en avant puisque, comme Clotilde Bato le rappelle, l’ONU estime que s’il y avait une mise en avant des femmes dans l’agriculture, cela pourrait peut-être faire reculer la faim dans le monde. De grands espoirs qui inspirent les plus jeunes. En effet, elles étaient nombreuses à se déplacer pour entendre la parole de leurs aînées qui ont su se lancer.

"Ta mère nature" un labo d'agriculture urbaine pas comme les autres!
"Ta mère nature" un labo d'agriculture urbaine pas comme les autres!

La pression d’être une femme

Car ce salon, au-delà de mettre en avant les agricultrices et leurs produits, était un lieu de rencontres. Autour de sujets importants, elles ont pu échanger et se rendre compte qu’elles ne sont pas seules. Ce qui ressort des échanges entre elles, c’est que le métier de paysanne ou d’agricultrice est encore trop soumis aux clichés. Par exemple, pour travailler dans l’agriculture, il faudrait être forte physiquement pour assumer toutes les tâches qu’une exploitation nécessite. Mais ce cliché, Alice Ménard lui fait un pied de nez ; elle le dit fièrement et avec assurance, elle sait s’occuper seule de son exploitation. Fille de maraîcher, elle reprend les terres de son père en 2020 pour y installer une activité de maraîchage biologique. Une décision qui a d’abord fait sourciller son père mais qu’il respecte totalement aujourd’hui.

Mais si la réaction du père d’Alice est plutôt encourageante, ce n’est pas le cas pour toutes les filles d’agriculteurs. La pression qui pèse sur les épaules d’une jeune fille voulant reprendre l’exploitation familiale n’est pas la même que pour un fils. Une observation qui a pu être discutée lors de l’écoute du podcast réalisé par Arte : La jeune fille et la ferme. Le père de Coralie ne cesse d’émettre ses doutes et ses peurs quand sa fille, elle, montre une détermination sans faille dans sa volonté de vouloir marcher dans les pas de son père. Si aujourd’hui Coralie a changé de voie, tout en restant dans le secteur agricole, elle n’oublie pas son rêve de ferme. Et elle n’est pas la seule.

Ce qui restera de ce Salon des Agricultrices, c’est la volonté et la détermination de ces femmes. Pour Pauline, c’est l’envie de faire découvrir le vin. Pour Perrine, l’envie d’une agriculture plus respectueuse. Pour Nathalie, l’envie de se reconnecter à la nature. Alors, pour reprendre les paroles d’une anonyme, « à toutes ces  ‘meufs badass’  sur qui l’alimentation de milliers de gens repose, continuez d’avancer, de prouver qu’une femme est autant capable qu’un homme d’ensiler, d’aider la mise-bas d’une vache ou de soulever des sacs de terreau. »

Autrice : Flavie R

Crédit Photo : Adrien Roux/Cité Fertile ; Flavie R

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