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A la bonne heure : Chaumet

Publié le 19 décembre 2022 à 23h00

Chaumet
Chaumet

À l’approche des fêtes, L’avenir a du bon partage avec vous chaque semaine l’univers littéraire d’un auteur de renom, et celui d’un objet précieux. Cette semaine, on vous parle d’Honoré de Balzac, et des bijoux Chaumet. Avec une particularité : non seulement Balzac mentionne le joaillier dans ses textes, mais il en est aussi un fervent client !

Le roman

Lettres à l'étrangère : œuvres posthumes, vol. I, Balzac.

C'est en 1832 que Balzac reçoit la première lettre d'une admiratrice lointaine avec laquelle il entre bientôt en contact au moyen d'une petite annonce dans « La Quotidienne » (seul journal français autorisé en Russie). Aux lettres succèdent les rencontres, à Neuchâtel, à Vienne, à Saint-Pétersbourg. Balzac voue une passion sans limite à l'« étrangère » qu'il finira par épouser quelques mois avant sa mort, à 51 ans, criblé de dettes. Plus dépensier que la raison ne l’autorise, Balzac se plaint autant de sa situation qu’il ne jalouse celle du joaillier « star » de son époque, Fossin. Lettres à l’étrangère est un récit intime qui permet de mieux comprendre ce géant de la littérature, pétri de contradictions.

 « Avant que le sublime Fossin ait daigné quitter les diadèmes, les couronnes des princes, pour sertir les cailloux ramassés par votre fille, il a fallu bien prier, bien s’humilier, quitter souvent ma retraite où je suis occupé à sertir de pauvres phrases. »

La maison Fossin (future Chaumet)

Mais qui est le fameux Fossin dont Balzac fait état dans cette lettre, mais également dans d’autres écrits ? Pour le découvrir, il faut revenir sur l’histoire de la création de la Maison Chaumet.

Ancien apprenti d’Aubert (le joaillier fournisseur de Marie Antoinette) le jeune Marie Etienne Nitot s’installe à son compte en 1780. Après la Révolution française, lui qui bénéficie déjà d’une belle renommée, sertit le Régent, un fabuleux diamant de 140 carats, dans la garde de l’épée du sacre de Napoléon. 

Pour remercier le pape Pie VII d’avoir célébré l’évènement, Napoléon commande à Nitot une tiare destinée au souverain pontife. Lors de la présentation du bijou, la jeune femme de Napoléon, l’impératrice Joséphine, est immédiatement séduite. Les commandes de l’Empereur se mettent à pleuvoir et en 1802, Nitot devient officiellement joaillier attitré de l’empereur. 

Mais Nitot, dont les affaires sont florissantes, connaît des jours sombres sitôt l’abdication de l’empereur en 1814 et se voit contraint de vendre l’affaire à son chef d’atelier, Jean-Baptiste Fossin, et son fils Jules, l’année suivante. Le fameux Fossin dont parle si abondamment Balzac.

Installés à l’époque au 15 de la place Vendôme, les Fossin ont le vent en poupe. Leurs créations inspirées par le végétal et le romantisme correspondent au goût de l’époque. A telle enseigne que Jules, le fils Fossin, rêve d’ailleurs et se lance à Londres. Pour l’épauler, il s’appuie sur le réseau de Jean-Valentin Morel, héritier d’une longue lignée d’orfèvres devenu fournisseur de la couronne. En 1852, les Morel reviennent en France, conquérants. C’est la petite-fille de Morel, Marie, qui épousera Joseph Chaumet, le chef d’atelier, en 1885. La même année, il hérite de la maison de joaillerie puis déménage du 15 au 12 place Vendôme en 1907, adresse actuelle de la Maison Chaumet.

Balzac, ce client discret de la maison

Marie (« Maria ») Louise Françoise Daminois, dite du Fresnay, fut la maîtresse d'Honoré de Balzac avec qui elle aura une fille, Marie-Caroline du Fresnay. Maria Daminois inspira Honoré de Balzac pour son roman Eugénie Grandet, dont les personnages reprennent en grande partie les vies des membres de la famille du Fresnay de l'époque. Balzac fera de Fossin son joaillier de référence sans apparaître dans les livres de compte. C’est en réalité au nom de sa destinée que les commandes sont passées…

Les bijoux Chaumet

Resté pendant de longues années dans l’ombre de ses voisins de la place Vendôme, Chaumet connaît depuis quelques années un nouvel engouement. En cause, cette récente collection « Bee my Love » inspirée par les alvéoles des abeilles dont l’empereur Napoléon avait fait un de ses symboles de prédilection. Plus ancienne, la collection « Joséphine » tire elle aussi son épingle du jeu avec son V inspiré par les fameuses tiares de l’impératrice.

Pour ceux que ces écrits intéressent, sachez que Balzac n’est pas le seul auteur de renom à citer Fossin (donc Chaumet), ce joaillier en vue de l’époque. Chez Mérimée, Dumas, Musset, ou encore Théophile Gautier, les bijoux sont souvent présents et disent évidemment beaucoup des mœurs d’une époque. Une autre façon de documenter l’histoire !

Auteur : Nicolas Salomon

Crédit photos : Chaumet

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