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La folle histoire du BIC Cristal
Publié le 16 avril 2025 à 13h27

Il est dans toutes les trousses, au fond des sacs, coincé derrière l’oreille d’un étudiant ou abandonné sur un comptoir. Depuis plus de 70 ans, le BIC Cristal traverse les époques sans jamais perdre la bille.
Il en a surpris plus d’un : à seulement 46 ans, Gonzalve Bich, CEO de BIC, quitte le navire pour voguer vers de nouveaux horizons. Après 20 ans de carrière dans l’entreprise familiale, il laisse derrière lui un bateau qui file à toute allure depuis plus de 70 ans, porté par une figure de proue indétrônable : le BIC Cristal.
Inventé en 1950, ce stylo à bille a révolutionné l'écriture avec son design épuré et son encre qui ne coule jamais. Vendu à plus de 100 milliards d'exemplaires, il s'est imposé comme le stylo le plus utilisé au monde. Voici l’histoire d’un objet du quotidien devenu icône du design et de la pop culture.
Le stylo qui voulait révolutionner l'écriture
Contrairement à ce que l’on croit, l’histoire de BIC n’a pas tout à fait commencé en France. Dans les années 1930, l’inventeur hongrois László Biró imagine le premier modèle de stylo à bille. Seulement, son invention présente des défaillances : l’encre coule, bave, et le système à bille manque de précision.
Arrive alors Marcel Bich (1914-1994), un industriel français convaincu que le stylo à bille peut devenir un produit fiable et abordable. Dans son usine de Clichy, au nord de Paris, il perfectionne la bille en acier inoxydable et met au point une encre à séchage instantané. En 1950, le premier BIC Cristal voit le jour, avec un design simple et efficace : corps hexagonal transparent (pour jauger l’encre restante), capuchon coloré et pointe en laiton.
Le pari est audacieux : Bich et son associé Edouard Buffard jouent tout leur capital sur cette innovation. Mais ils sont certains de tenir entre les mains un produit qui va bouleverser les habitudes d'écriture. Leur ambition ? Proposer un stylo universel, accessible à toutes les bourses et adapté à toutes les mains.
Le raz-de-marée BIC
Marcel Bich le sait : pour réussir, il faut marquer les esprits. D’un coup de gomme, Bich laisse le ‘H’ de son nom à l’Histoire et signe d’un trait son entrée dans la modernité : Bich devient BIC. Dans la foulée, l’entreprise lance une campagne publicitaire massive. En 1952, l'affichiste Raymond Savignac crée le « bonhomme BIC », un petit écolier à tête de bille qui devient l'emblème de la marque. Le succès est immédiat : 21 millions d’exemplaires vendus en France en un an. Le BIC Cristal envahit les bureaux et les foyers du monde entier. Dans les années 1960, le BIC Cristal met fin à la suprématie du stylo plume et devient le nouvel incontournable dans les écoles françaises, encouragé par l’Éducation Nationale.
Après avoir conquis la cour de récré, BIC veut jouer dans la cour des grands. En 1957, BIC rachète le concurrent anglais Biro-Swan et s’implante sur le marché britannique, avant de conquérir les États-Unis en acquérant Waterman Pen Company l’année suivante. Dès les années 70, la marque diversifie ses produits avec le briquet (1973) et le rasoir jetable (1975), toujours dans la même logique : simplicité, fiabilité et accessibilité.
Le jetable qui voulait durer
Ce qui a toujours fait l'ADN de BIC, c'est son modèle de production basé sur le jetable. Le stylo, autrefois un produit de luxe, devient grâce à l’entreprise un objet du quotidien, bon marché et facilement remplaçable. Cette philosophie, parfaitement adaptée aux Trente Glorieuses et à la société de consommation, a cependant pris un coup de vieux avec l'éveil des consciences écologiques.
Pour montrer que jetable ne signifie pas forcément éphémère, BIC met en avant la longévité de son Cristal : un seul stylo permet d’écrire jusqu’à 3 kilomètres. Mais l’entreprise va plus loin. Depuis 2009, BIC obtient l’écolabel NF Environnement et, en 2021, lance le premier BIC Cristal rechargeable, preuve que même une icône du jetable peut évoluer vers le durable.
Un objet culte, du design à la pop culture
Le BIC Cristal ne se contente pas d’écrire : il inspire. Son design est exposé au MoMA de New York et étudié dans les écoles de design. Il devient aussi l’outil fétiche des artistes : Jean Dubuffet, Giacometti, Tinguely et bien d’autres griffonnent leurs croquis au BIC.
Peu à peu, l’omniprésence du BIC dans la vie quotidienne en fait un objet de détournement et de récupération. Dans les écoles, il se transforme en sarbacane improvisée, tandis qu’en entreprise, il est souvent mâchouillé en réunion. Pour les designers, il devient rideau, sculpture, élément de mobilier et même, en 2006, le matériau d'une robe entièrement constituée de stylos BIC. Son statut iconique est indiscutable.
Présent dans tous les recoins de la planète, le BIC Cristal continue d’écrire son histoire. Preuve qu’un bon design, une idée simple et un brin de génie publicitaire suffisent à transformer un stylo en produit intemporel.
Auteur : Marin TDM
Crédit photo : Sergey Pavlov / iStock