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A la Ressourcerie du cinéma, on fait tourner les décors de film

Publié le 26 septembre 2022 à 22h00

La Ressourcerie du Cinéma
La Ressourcerie du Cinéma

La ressourcerie du cinéma de Montreuil en Seine Saint Denis est un lieu unique et engagé où Karine, Jean Roch et Isabelle donnent une nouvelle vie aux décors des plus fameux films. Rencontre. 

Dans une ancienne usine de Montreuil reconvertie en multiples entrepôts se niche un lieu pas comme les autres : la ressourcerie du cinéma. Proche de nombreux studios, elle se situe aussi dans le fief de l’un des pionniers du 7ème Art, George Méliès, qui avait installé ses deux studios en 1897 dans la ville, les premiers en France. 

Plus d’un siècle plus tard et quelques rues plus loin, sur un espace de 3300 mètres carrés, sont stockés des feuilles décor, faux toits parisiens, frigos sans fond ou encore faux lampadaires provenant de tournages et du monde de l’audiovisuel. Ouverte il y a un an et demi par trois professionnels du milieu, la ressourcerie du cinéma a pour vocation de récupérer des décors, voués à être jetés, pour pouvoir les réemployer via la location ou la vente.

Le cinéma, un secteur polluant

Dans les années 1980, grâce à la baisse du coût des matières premières et la hausse des prix du foncier, cela coûtait moins cher d’acheter puis de jeter les décors de films que de les entreposer dans les studios - façon Cinecittà, studio italien mythique. Désormais, ce modèle n’a plus lieu d’être et les professionnels du cinéma en ont bien conscience. 

Un film, c’est en effet  « quinze tonnes de déchets » nous explique Karine, l’une des cofondatrices de la ressourcerie. « Il faut au moins deux bennes pour une scène ou deux. Par exemple, sur le dernier Astérix, dont on a récupéré les colonnes, pour une scène qui durait dix minutes, six camions sont partis en benne et l’on en a récupéré un », continue la chef décoratrice de métier. Jean-Roch, cofondateur et ancien accessoiriste, abonde : il y a une véritable attente de la part des professionnels du cinéma pour faire évoluer les choses. Lui-même a « toujours été outré par le gâchis énorme qui est fait de tous ces éléments de décor. C'est assez particulier parce que ce sont des matériaux neufs qui ont servi le temps d'un tournage ». 

Une récente étude commandée par Ecodéco, collectif sensibilisant aux métiers de la décoration dans les industries créatives, montrait que 90% des professionnels du cinéma se disent être prêts à une transition écologique à tous les niveaux. Des lieux comme la ressourcerie sont des éléments particulièrement enthousiasmants pour eux. « On ne peut pas tout récupérer mais si on le pouvait, ils nous donneraient tout » avoue Karine.  Certes, elle n’est pas LA solution mais une « partie du puzzle » permettant de démontrer qu’il y a des pratiques et des façons de faire plus respectueuses de l’environnement et surtout plus durable. 

Soutenir l’économie circulaire

Avec l’aide des financements de la région Île de France, de l’ADEME et du CNC, la ressourcerie a pu agrandir ses locaux en déménageant de Bagnolet à Montreuil. A l’avenir, l’idée est de créer des flux de sortie et de créer un roulement pour remettre en circulation un maximum de pièces. Désormais, leurs clients sont des professionnels de l’audiovisuel et du spectacle mais aussi des architectes, des particuliers ou des artisans à la recherche de matières comme du bois, du parquet, de la moquette à moitié prix. 

L’un de leurs projets pour 2023 est de faire de la feuille décor un produit sur le BTP, soit en cloisonnement, soit en bardage intérieur. Récemment, ils ont même fourni des feuilles décor pour faire construire une fourrière ! Il est question de faire la part belle aux formations à l’écoconception sur place pour tout avoir à portée de main aussi bien pour les jeunes apprentis que pour les plus rôdés qui ont envie de réapprendre. 

« Des bonnes choses sont en train de se mettre en place et elles vont exploser dans les prochaines années ! On est un peu dans l'innovation à ce niveau-là. On est en train de mettre en pratique toutes les réflexions qu'il y a eu dans le secteur », conclut Jean Roch. Un objectif effectivement partagé par le RESSAC, qui rassemble toutes les ressourceries culturelles en France, qui souhaite mutualiser les compétences chacune pour bénéficier d’une force de frappe suffisamment grande pour absorber le maximum de matériaux du monde culturel. 

Dans la lignée du prix Ecoprod décerné à Cannes en mai dernier, le cinéma compte bien faire la différence et inspirer le public autrement que par les films.  

Autrice : Carla P

Crédit Photo : Enzo Allevato / La Ressourcerie du Cinéma

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