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Chloé Lopes Gomes, à la pointe de l’engagement

Publié le 2 juillet 2023 à 22h00

Chloé Lopes Gomes, danseuse
Chloé Lopes Gomes, danseuse

Après avoir dénoncé le racisme qu’elle a subi lors de son passage au Staatsballett de Berlin, la danseuse française raconte dans un livre son parcours tumultueux. Portrait d’une battante qui n’a rien lâché.

Time Out Paris et L'avenir a du bon vous font découvrir chaque mois Les Eclaireurs.ses : des personnalités qui font bouger les lignes de la culture, de la gastronomie, du sport ou de l’écologie. Pour inaugurer cette série de portraits, nous avons rencontré la danseuse Chloé Lopes Gomes, qui incarne à merveille l’adage « à cœur vaillant rien d’impossible ».

Danseuse de ballet, professeure et maintenant auteure. Chloé Gomes Lopes, 32 ans et plus de vies qu’un (entre)chat, a publié le 3 mai son premier ouvrage, Cygne noir, aux éditions Stock. « Tout le monde pense que c’est sur le racisme à cause du titre », explique l’intéressée, qui s’est fait connaître du grand public en 2020 après avoir pris la parole contre les discriminations qu’elle subissait dans sa compagnie. « En réalité, c’est plutôt un livre sur le parcours improbable de ma vie. » Une trajectoire difficile, la précarité, la xénophobie… Mais elle n'écrit pas pour se plaindre, plutôt pour inspirer : avec ce livre – et cette carrière –, la danseuse étoile montre qu’elle est un symbole de réussite, croyant en ses rêves et ne lâchant jamais rien. Ce texte raconte son histoire, sans mélodrame, mais avec une plume acerbe et une ambition XXL. « Je veux qu’avec ce texte, chacun prenne conscience de sa place dans la société. On peut tous améliorer les conditions de vie de quelqu’un d’autre à notre échelle. »

Du conservatoire de Nice au Bolchoï

Chloé Lopes Gomes grandit à Nice dans une famille modeste. Un père cap-verdien maçon, une mère française femme de ménage qui rêvait des Beaux-Arts. Trois frères et sœurs qui font de la musique classique, avant de se tourner eux aussi vers la danse – son frère Isaac Lopes Gomes fait aujourd’hui partie du ballet de l’Opéra de Paris. Pour Chloé, le coup de foudre a lieu à l’âge de 8 ans. « Tout a basculé le jour où, pour mon anniversaire, ma mère m’a emmenée voir Le Lac des cygnes. J’ai été frappée par les costumes, les décors, la technique… » C’est décidé, elle sera danseuse.

Elle s’inscrit au conservatoire de Nice où elle reste quatre ans. A 14 ans, grâce à un prêt contracté par sa mère, elle s’envole pour la prestigieuse académie du Bolchoï à Moscou, où elle est la première Française à poser le chausson. Elle doit tout apprendre : la technique, la langue, les coutumes du pays… « C’est l’une des meilleures expériences de ma vie, j’y ai passé trois ans fabuleux et appris une certaine rigueur. » De retour en France, à sa majorité, arrive le moment de lancer sa carrière. « Je ne pensais pas galérer autant à trouver du travail », se souvient-elle. Un temps au Ballet national de Nice, un autre à Paris, puis au Ballet de Londres. Un envol modeste mais prometteur… qui se fracasse prématurément. 

Au même moment, sa mère, désormais célibataire, se retrouve incarcérée, et la danseuse doit tout mettre en pause pour s’occuper de son petit frère de 6 ans. Elle se bat durant des mois afin de récupérer la garde et subvenir à ses besoins. Elle enchaîne les boulots alimentaires, cumulant jusqu’à trois emplois par jour.

La parole comme force

Une fois la garde du petit frère récupérée et un logement social trouvé, elle peut de nouveau se concentrer sur sa passion. Chloé reprend les entraînements et navigue entre plusieurs compagnies à travers l’Europe. Paris, Lausanne, jusqu’à Berlin, au prestigieux Staatsballett, dont elle devient la toute première danseuse noire. Dès les premières semaines, la danseuse est confrontée au racisme de sa maîtresse de ballet : « J’ai été évincée de certains rôles. On me demandait de me blanchir la peau avec du maquillage, en disant que c’était par pur esthétisme. Que c’était pour ne pas entacher la blancheur du ballet. » Là où d’autres auraient subi sans rien dire, Chloé Gomes Lopes ne se laisse pas faire et obtient réparation.

Entre-temps, elle griffonne dans des carnets son histoire, devenue aujourd’hui son livre. Un livre engagé, mais pas politique selon elle : « Ce n'est pas de la théorie, c’est juste mon expérience et mon avis. Mes copines de danse n’ont pas grandi dans le même environnement que moi. » Depuis qu’elle a quitté Berlin, elle enseigne au sein de plusieurs compagnies et a même lancé sa plateforme de cours en ligne, Boldstep. « Aujourd’hui, je veux contribuer à faire des choses qui font du bien aux autres. » Chloé Lopes Gomes a encore de nombreuses vies à vivre, et plein de jeunes filles à inspirer.

  • Chloé Lopes Gomes, danseuse
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Auteur : Time Out

Crédit photos : Antonia Pepita, Marek Wojciak, Mickael Bandassak

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