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Les jardins botaniques sont-ils un non-sens écologique ?

Publié le 12 juin 2023 à 22h00

Kew Gardens, Richmond, Londres
Kew Gardens, Richmond, Londres

Créés à l'origine pour l'étude des plantes médicinales au milieu du XVIe siècle, les jardins botaniques ont désormais trois objectifs principaux : éduquer le public, contribuer à la recherche en biologie et préserver la diversité des plantes. Mais à quel prix ?

Les jardins botaniques attirent des millions de visiteurs chaque année partout dans le monde. Ils abritent des plantes provenant des quatre coins du globe et jouent un rôle crucial dans la conservation des plantes en entretenant des collections vivantes d'espèces végétales rares et menacées. Cet effort de conservation permet de protéger la biodiversité et de maintenir la diversité génétique, ce qui est essentiel pour la santé et la résilience des écosystèmes. Cependant, cela requiert souvent beaucoup de ressources, comme de l’eau ou de l’électricité. On pense alors notamment aux serres tropicales qui, en toutes saisons, doivent maintenir un climat chaud et humide artificiel pour préserver les espèces qu’elles abritent. A l’heure de la sobriété et des alertes sécheresses, la question se pose : les jardins botaniques sont-ils un non-sens écologique ?

Cultiver et préserver

La diversité végétale est cruciale pour le fonctionnement des écosystèmes. Elle permet de capturer le carbone, réguler le climat et favoriser le cycle des nutriments au sol. Les plantes profitent aussi directement à l'homme par l'intermédiaire de la nourriture, des médicaments et des matériaux, sans même parler de l’air que nous respirons. Malheureusement, les espèces végétales sont menacées dans le monde entier : la perte d'habitat, les espèces exotiques, la surexploitation et le changement climatique sont ses principales menaces. Selon l’ONG Botanic Gardens Conservation International, environ 25 % des espèces végétales sont actuellement menacées d'extinction. L'activité humaine, telle que la destruction des habitats, est la première cause de disparition des espèces. C’est là qu’interviennent les jardins botaniques : conserver la diversité des plantes et empêcher une nouvelle perte de biodiversité.

Mais ces jardins consomment aussi énormément d’énergie, particulièrement en période de sécheresse. A Toulouse, les restrictions d’eau liées à la canicule sont mal passées l’an dernier. « Nous avons près de 3 000 espèces dont certaines ont été secourues avant leur disparition en Guyane par exemple. Si elles disparaissent, on ne pourra jamais les retrouver », explique Nathalie Séjalon-Delmas, maître de conférences à l’université Toulouse III Paul Sabatier et directrice du jardin botanique de la ville. Heureusement, une dérogation leur a été attribuée pour assurer la survie des plantes. 

La question se pose : faut-il passer en jardin aride, afin de ne plus dépendre de l’arrosage comme c’est le cas dans le jardin botanique Terra Botanica, à Angers, où les plantes peuvent s’épanouir sans subir les limitations en eau ? Autre possibilité pour le jardin botanique de Toulouse : retrouver l’accès aux puits, condamnés en 2008 au moment de la rénovation du parc. Ceux-ci pourraient permettre, a minima, de ne pas arroser avec de l’eau potable. La cohérence est le maître mot de ces scientifiques. La préservation ne peut pas se faire au détriment de la planète. Alors, comment trouver le juste équilibre ?

Expérimentation et adaptation

Ces institutions doivent montrer l’exemple et n’hésitent pas à prendre les devants. Alors que les prédictions météorologiques annoncent un été particulièrement sec, les équipes du jardin botanique de Toulouse prévoient déjà d’avoir recours à de la zéolite, un substrat de culture hors sol pour les plantes en argile calcinée. Utilisée en laboratoire, on l’arrose avec des solutions nutritives pour travailler en condition contrôlée, sans sol. Ainsi, elle permet de limiter la consommation d’eau tout en fournissant à chaque espèce ce dont elles ont besoin. 

Les jardins royaux de Kew, à Londres, se sont engagés à devenir climatiquement positif d'ici à 2030, en réduisant les émissions de carbone et en élaborant un plan détaillé de réduction des émissions. Cela passe notamment par la compensation de leurs émissions et la mise en place de stratégies pour l'énergie, l'eau et les déchets. Avec une collection rassemblant près de 98% de tous les genres végétaux du monde et un rôle de conseiller auprès des gouvernants et scientifiques à travers le monde, Kew cherche à présenter des actions concrètes pour répondre à l'urgence environnementale et inspirer les botanistes du monde entier. 

La sensibilisation, recréer les liens avec la biodiversité

Si chaque jardin lance des initiatives qui lui sont propres, ce sont également des lieux de pédagogie. En effet, l’une de leurs missions principales est de s’engager auprès de la communauté locale pour promouvoir la sensibilisation à l'environnement, les pratiques de conservation et les modes de vie durables. Réunir les personnes, les plantes et l'environnement est un élément clé pour favoriser et protéger une vie saine et prospère sur Terre. Ainsi, les jardins botaniques encouragent chacun et à tout âge de prendre part à cette immersion au sein de la biodiversité à travers des ateliers, des évènements ou des visites. 

Il a été également suggéré que ces espaces verts avaient un impact non négligeable sur la santé mentale. Aider les autres et prendre soin des plantes et des écosystèmes peut grandement contribuer à une bonne santé mentale. Lorsque nous apportons du réconfort et de l'apaisement aux autres, nous trouvons également du réconfort et de l'apaisement en nous-mêmes. La sauvegarde des plantes et des habitats peut donc nous apporter un regain d'énergie positive et d'optimisme, sachant que les générations futures pourront bénéficier de nos actions. La réciprocité entre le soutien aux plantes, aux pollinisateurs et à notre propre bonheur crée un cycle d'impact positif. Les jardins jouent un double rôle dans la guérison des personnes et des écosystèmes, car toute vie dépend des plantes et d'habitats sains. En fin de compte, nos actions n'améliorent pas seulement l'environnement, mais aussi le bien-être.

Alors, les jardins sont-ils un non sens écologique? Il a été démontré que le sujet était plus complexe qu’il n’en avait l’air. Si ces lieux sont très gourmands en énergie, ils restent des laboratoires d’innovation en perpétuelle évolution afin de protéger la biodiversité et sensibiliser les populations. 

Autrice : Carla P

Crédit Photo : Joe_Potato

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