# Économie

Événements responsables : “Il faut mettre en place une sobriété créative”

Publié le 24 avril 2024 à 10h01

Comment créer un événement créatif et responsable ? Fondateur de eko, agence pionnière des événements durables depuis 17 ans, et vice-président en charge des transitions et de l’impact de l’association des professionnels de l’événementiel Lévénement, Nicolas Turpin met l’éco-socio-responsabilité au cœur de sa pratique. Interview. 

La réduction de l’empreinte carbone semble être l’un des principaux leviers pour organiser un événement écologique

Nicolas Turpin :

Tout à fait. Les deux gros sujets qui représentent un poids conséquent dans les bilans carbone sont les transports et l’alimentation. Sur un événement d’ampleur comme We Love Green, le transport des spectateurs est central et pèse, à mon avis, au moins 70% à 80% du bilan carbone. Ensuite, il y a le transport des intervenants, speakers, artistes. Comment rationaliser leur participation dans le cadre d’une tournée pour qu’un artiste ne traverse pas le monde pour une seule prestation ? Enfin, il y a le transport des marchandises (les scènes, les décors, la technique…), qui nécessitent de vraies réflexions logistiques.  

Le choix des repas a aussi un réel impact : entre un repas à base de protéines animales (viande rouge) et du 100% végétarien, on divise l’impact carbone par 13. Quand on propose ces repas à 200 ou 600 personnes, ça a son importance. Quand on a adressé ces deux sujets, on a déjà traité beaucoup de choses. La consommation d’énergie est une préoccupation mais ça n’est pas un des premiers postes d’émissions. 

Le second levier concerne l’économie circulaire… 

NT :

Les circuits de revalorisation des déchets se développent et de plus en plus de solutions sont proposées aux professionnels. Cependant, le travail préalable est indispensable et doit permettre de faire en sorte d’éliminer tous déchets inutile. Ensuite, il faut penser à la seconde vie des biens “durs” comme les éléments de scénographie : recyclage du bois, valorisation dans des ressourceries culturelles, menuiseries solidaires,…. Enfin, pour les denrées alimentaires non consommées, il est important de faire en sorte d’en faire profiter des structures sociales. Quant aux déchets organiques, il existe des solutions de micro-méthanisation [pour produire du biogaz et de la matière à compost, Ndlr]. 

Le troisième volet concerne la dimension sociale. En quoi écologie et inclusion sont-elles liées ? 

NT :

Je préfère parler d’événements responsables, ou d’éco-socio-conception, plutôt que d’événements durables. Tout est interconnecté. La dimension sociale est à traiter sous différents aspects : l’accessibilité, la diversité, la parité, … Les sujets d’inclusion sont à prendre en compte à chaque étape de la conception de l'événement pour qu’il soit représentatif de la société française. À commencer par le choix de l’équipe de l’événement. 

Il y a quinze jours, nous avons par exemple organisé Le Grand Défi Écologique de l’Ademe avec eko. Lors des journées ouvertes au grand public, nous avons organisé une exposition sur les bonnes pratiques et les réflexes pour une transition écologique pragmatique. Dans ce cadre, nous avons organisé des visites signées pour les personnes sourdes et ouvert une salle calme, pour les personnes atteintes de troubles cognitifs.

Organiser un événement éco-socio-responsable, est-ce forcément plus cher ?

NT :

Non, c’est avant-tout une question de choix et d’arbitrages. Ce qui importe, c’est le montant total. Il y a des postes plus chers, mais il y a surtout des postes qu’on évite. Et puis la tendance prend du poids : plus il y a de commandes, plus l’effet de volumes entre en jeu et plus ces produits et services sont abordables.

Le prix ne peut plus être un argument car réparer la planète coûtera 10, 20 ou 30 fois plus cher qu’anticiper et agir maintenant. C’est un acte militant, un acte d’investissement, un acte d’achat responsable.

Vous êtes sur le créneau de l’événement éco-socio-responsable depuis 2007. Comment avez-vous vu évoluer cet écosystème ? 

NT :

Nous étions très précurseurs. Il y a 17 ans, la terminologie de RSE n’existait même pas en France, le terme de développement durable arrivait tout juste dans le vocabulaire des Français. Il y a eu depuis une véritable prise de conscience. La Covid a été un catalyseur phénoménal sur cette volonté d’éco-concevoir nos événements mais depuis 17 ans, on voit une croissance régulière sur le sujet. Il y a de plus en plus de demandes pour des événements respectueux de l’environnement et des habitants de la planète.

Le secteur de l’événementiel capte les signaux faibles de la société. Le rôle d’une agence est aussi celui de communiquant. Nous sommes là pour accompagner nos publics vers les transitions en cours. Rien de mieux qu’un événement - la rencontre, l'expérience, l’émotion - pour faire passer des messages.  

Quels sont les sujets sur lesquels il reste des efforts à faire ? 

NT :

Les sujets les plus compliqués sont ceux qui concernent la biodiversité et la préservation de la ressource en eau. L’eau est un réel enjeu et il est loin d’être facile à traiter dans le secteur de l’événementiel. Quant à la question de la biodiversité, nous avons du mal à l’intégrer - nous sommes souvent en milieu urbain et cela nous semble loin. We Love Green est, par exemple, en milieu naturel et ils font des choses très intéressantes sur le sujet. Pourtant, en tant qu’organisateur, nous avons la responsabilité de mettre sur la table ces sujets afin de sensibiliser nos publics. 

Le deuxième point sur lequel nous avons des difficultés est la mesure de l’impact. Mesurer son impact carbone est simple. En revanche, mesurer son impact sur la dimension sociale, la biodiversité, les déchets, c’est plus compliqué. Ce sujet sera central dans les années à venir.

Autrice : Elsa F

Crédit Photo : Mickael A.Bandassak/WLG

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