# Économie

Rencontre avec Adeline, professionnelle de la « cueillette sauvage »

Publié le 5 octobre 2023 à 22h00

Adeline Gravier en pleine séance de dégustation post cueillette
Adeline Gravier en pleine séance de dégustation post cueillette

Changer de métier, changer de vie, mais pour faire quoi ? Adeline Gravier a choisi la passion des plantes sauvages et leur transmission. À la fois cueilleuse professionnelle et vulgarisatrice des plantes, elle nous raconte son parcours. 

Pas besoin d’explorer les Pyrénées ou de partir à l’autre bout du globe pour cueillir des plantes médicinales, culinaires ou thérapeutiques. Là, au bout de notre rue, dans le square du quartier ou la petite forêt qui borde notre ville, on peut trouver pléthore de plantes qui auront mille et un usages. Encore faut-il les reconnaître, les comprendre et savoir les utiliser. 

C’est la mission que s’est donnée Adeline Gravier, Parisienne qui propose (entre autres) des ateliers de cueillette professionnelle, via des sites comme Wecandoo. Après une école de commerce et quelques années à travailler dans le marketing, celle-ci découvre les plantes et tous leurs bienfaits. Elle change de cap : direction la nature, la transmission et un métier, somme toute nouveau et auquel elle a du mal à donner un nom précis — elle se définirait plutôt comme « vulgarisatrice des plantes ». Après un an et demi à son compte, elle nous partage ce parcours professionnel hors des sentiers battus (littéralement), son amour des plantes et sa vie d’entrepreneuse dans un domaine où la nature fait loi. Interview saupoudrée d’une pincée d’orties. 

Peux-tu te présenter et nous parler de ton métier ? 

Adeline Gravier :

Je m’appelle Adeline, j’ai la trentaine et je me suis intéressée, il y a quelques années, aux plantes sauvages. J’avais au départ une curiosité des écosystèmes, puis c’est devenu un peu comme une obsession. Cette curiosité m’a portée vers divers sujets liés aux plantes sauvages et j’ai décidé d’en faire un métier. 

Qu’est-ce qui t’a conduit à en faire un métier, justement ? Comment passe-t-on le cap de la curiosité pour se professionnaliser ? 

AG :

Il y a deux aspects. Le premier, c’est le désir de trouver sa place. Je savais que je voulais travailler à une échelle un peu sociétale, sans savoir la forme que ça allait prendre. Quelque chose de l’ordre de la transmission, de l’écoute, tout en ouvrant des brèches sur la manière dont on peut faire avancer cette société vers quelque chose de mieux et une autre manière de vivre ensemble. Il y avait une espèce d’évidence, quand je me suis retrouvée plongée dans le sujet des plantes sauvages et que j’ai compris que c’était possible d’en faire un métier. 

J’ai fait une école de commerce et mine de rien, j’utilise et mets à profit les compétences de développement de business, de communication, etc. Quand j’ai décidé de professionnaliser cette passion, j’ai d’abord basculé sur un poste lié à ce domaine-là après m’être formée et, ensuite, j’ai créé mon entreprise. J’utilise les compétences que j’ai apprises, mises au service d’un domaine qui me semble aller dans le bon sens. 

Dans cette évolution professionnelle, avais-tu une envie de te rapprocher de la nature ? 

AG :

Bien sûr, mais je dirais plutôt l’envie de me « remarier » avec son environnement au sens large. Un contact physique avec les gens, le fait de répondre à des curiosités – les gens s’intéressent aux plantes sauvages aussi bien pour la cuisine que la phytothérapie ou simplement la proximité avec la nature – et cet aspect transmission. 

Comment se passent tes journées ? Quels sont les différents aspects de ton métier au quotidien ? 

AG :

C’est 70 % de construction d’une entreprise au sens premier du terme, c’est-à-dire réfléchir à l’offre des produits, au marketing, aux diverses formules, etc. Et 30 % qui vont être axés sur la transmission, en balade, en stage, en conférence – peu importe le format. Je travaille avec des particuliers, mais aussi des collectivités et des entreprises. C’est souvent les bureaux RSE qui cherchent à ouvrir des brèches au sein de leur processus, à faire réfléchir leurs collaborateurs, voire à verdir leur entreprise. 

Qu’est-ce que recherchent les personnes qui viennent te voir ? Qu’est-ce qu’une meilleure connaissance des plantes sauvages peut apporter ? 

AG :

Il y autant d’intérêts que de personnes qui viennent ! Ce qui ressort à peu près pour tout le monde, c’est la recherche d’un enracinement. Quand tu es capable de regarder ton environnement en sachant ce qu’il peut t’apporter, tu le regardes différemment. Ton pas, en balade, se ralentit, tu valorises plus ce sur quoi tu marchais auparavant. Il s’agit de retrouver de la cohérence avec son environnement. Et puis il y a aussi une recherche de lien social,sans doute. Dans les groupes qui viennent en balade avec moi, j’ai déjà eu une enfant de 3 ans et une grand-mère de 90 ans. Il y a des personnes qui ont de l’intérêt pour l’aspect survivaliste, sans un pouvoir d’achat énorme, d’autres qui ne se posent pas la question du prix. 

C’est aussi ce que j’adore. Il y a une même contemplation et curiosité, peu importe l’âge, tandis que moi je vais prendre la chose différemment : avec une enfant on va être sur quelque chose de très sensoriel, avec une personne de trente ans sur l’aspect utilitaire, et une explication du fonctionnement général des écosystèmes pour quelqu’un de soixante.

Après un an et demi à exercer pleinement ce métier, qu’est-ce que tu en retires ? 

AG :

Je suis encore plus enthousiaste qu’au départ ! Je ne savais pas trop où ça allait me mener, parce que c’est un métier nouveau. Je me positionne sur une sorte de multi-compétence entre la botanique, l’herboristerie, etc, et j’avais une forme d’appréhension. Je ne sais toujours pas où ça me mène, mais je profite du voyage et je vois aussi des portes qui s’ouvrent. 

Comment se passe une session de découverte avec toi, en quelques mots ? 

AG :

Difficile à dire ! On arrive avec une simple curiosité, on essaie d’apprendre quelques rudiments pour lire les plantes correctement et les regarder d’un œil nouveau, et on a très rapidement la satisfaction de pouvoir les utiliser. 

Trois ressources partagées pour commencer à découvrir l’univers des plantes sauvages : 

  • Totem Sauvage, son compte Instagram où elle partage recettes, connaissances et autres
  • La chaîne YouTube du Chemin de la nature, une référence en la matière
  • Le livre « La cuisine des plantes sauvages » (Ulmer, 2022), 30 euros
  • Le livre « Sauvage de ma rue » (Le Passage, 2016), 12 euros

Auteur : Benjamin B

Crédit Photo : Adeline Gravier

Partager