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Entre chauvinisme et réalité, la gastronomie française est-elle réellement la meilleure ?

Publié le 6 novembre 2023 à 23h00

Pot Au feu
Pot Au feu

Le bœuf bourguignon, la garbure ou encore la bouillabaisse : la France est fière de sa cuisine. Un patrimoine qui rayonne et rend les Français on ne peut plus orgueilleux. A raison ? La cuisine française est-elle vraiment la meilleure du monde ? On en parle avec la spécialiste Émilie Laystary. 

En décembre 2022 est paru le classement Atlas des meilleures cuisines du monde. Pour les défenseurs de la gastronomie française, ce fut le coup de grâce : la France se retrouve en neuvième position… derrière les États-Unis ! Drame et polémique : rapidement, la presse et les internautes français se mettent en ordre de bataille pour décrier le classement devenu viral. 

Cependant, si les grands prix gastronomiques ont, pendant de nombreuses décennies, valorisé la cuisine française et ses chefs, le vent est en train de tourner, selon le chef Thierry Marx. Une hérésie pour le peuple Français pour qui la cuisine traditionnelle est sacrée. Tellement sacrée qu’elle est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2010 ! 

A-t-on raison de défendre la cuisine bien de chez nous ? Émilie Laystary, journaliste société et animatrice du podcast Bouffons, nous raconte l’origine de ce chauvinisme culinaire. 

Pensez-vous qu’il y a un certain chauvinisme culinaire en France ? Ce chauvinisme existe-t-il dans d’autres pays ?

Émilie Laystary :

On entend souvent que la gastronomie française serait « la meilleure au monde » ou encore que notre cuisine serait « la mère de nombreuses autres ». Nos traditions autour du « bien manger » et du « bien boire » sont une véritable fierté nationale. Nos vins qui s'exportent partout à travers le monde, nos 1 200 variétés de fromages, nos monuments culinaires nationaux qui fleurent bon le suranné tels que le coq au vin ou la soupe à l'oignon, nos spécialités régionales qui font de chaque département une potentielle destination touristique… À l'étranger, cette réputation nous précède. Et dans la culture populaire (cinéma, littérature, etc), les références à cette richesse gastronomique sont si nombreuses qu'elles expliquent sans mal pourquoi un certain chauvinisme culinaire existe. En Europe, l'autre pays qui peut à ce point s'enorgueillir d'une telle réputation est l'Italie.

Pourquoi les Français pensent-ils que leur cuisine est la meilleure et pourquoi est-elle considérée comme exceptionnelle pour certaines personnes ?

Émilie Laystary :

Historiquement, il y a eu en France une réelle volonté politique de faire de la gastronomie un outil de rayonnement international, autrement dit d'inscrire la cuisine dans un soft power à l'étranger. Dès le XVIIe siècle, la France, puissance géopolitique en devenir, a cherché à se démarquer dans le monde à travers sa cuisine. En tant qu'empire colonial, notre pays a pu profiter de nombreux produits d'exception glanés aux quatre coins du globe (épices, café, vanille…) tout en cherchant à nationaliser les plats afin de consolider un savoir-faire français et un corpus de recettes nationales. L'idée était alors de nationaliser la cuisine, de lui apposer le sceau de « cuisine française ». C'est notamment ce qu'a fait Antonin Carême, surnommé « le chef des rois, le roi des chefs », qui a fixé les grandes règles de la cuisine française lors du Premier Empire. La France a pu compter sur de nombreux ouvrages culinaires qui ont fait date et des grandes écoles de cuisine qui ont formé des générations de chefs et cheffes. Au fil du temps, tout cela a participé à faire de la France une référence mondiale.

Existe-t-il des critères qui permettent de juger les cuisines traditionnelles des différents pays ?

EL :

Difficile d'établir des critères absolument objectifs pour juger des cuisines traditionnelles dans le monde. Mais parmi ceux qui sont retenus pour les apprécier, on remarque l'authenticité des recettes, la singularité des ingrédients et le savoir-faire artisanal. C'est souvent lorsque ces trois paramètres sont réunis qu'on a la sensation d'être face à une cuisine unique et un patrimoine gastronomique à préserver.

Peut-on trouver un classement objectif des meilleures cuisines du monde ?

EL :

Le Guide Michelin qui attribue des étoiles aux restaurants du monde entier, le « 50 Best » qui propose chaque année une liste des 50 meilleures adresses ou encore les Best Chef Awards qui couronnent chaque année 100 chefs et cheffes… Tous ces classements proposent d'offrir à un instant T une photographie du paysage gastronomique mondial et de ses points chauds à surveiller. C'est un mercato intéressant à observer, à condition bien sûr de garder en tête que ces grands évènements sont toujours orchestrés depuis un point de vue occidentalo-centré et que, bien trop souvent, ils peinent à faire la part belle aux femmes et aux nouvelles manières de faire de la restauration.

Quelle est, selon vous, la meilleure cuisine traditionnelle et pourquoi ?

EL :

De manière totalement subjective, et assurément biaisée, je vais répondre la cuisine vietnamienne ! C'est une gastronomie qui me plaît beaucoup car elle cherche toujours à viser un équilibre des saveurs, entre le salé, le sucré, le pimenté, l'acide et la fraîcheur des herbes aromatiques, mais aussi un jeu de textures, entre le tendre, le croustillant, la cuisson vapeur, la friture.

J'aime aussi l'idée que d'un coin à l'autre du pays, les spécialités locales reflètent les états d'esprit régionaux : dans le nord, la cuisine est dite plus sobre et puriste, à l'image de la soupe phở (le plat national vietnamien) dont le bouillon est servi plutôt clair, tandis que dans le sud, la même soupe va être présentée avec plein d'herbes et de condiments, comme en miroir de l'ambiance vibrante de Saïgon.

Une chose est sûre, de tous les côtés du globe, des saveurs, des traditions, des plats et des spécialités fleurissent et se réinventent chaque jour alors pourquoi ne pas s’ouvrir et tenter de nouvelles cuisines ?

Autrice : Flavie R

Crédit Photo : Lisovskaya/iStock

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