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Nos coups de cœur littéraires à dévorer à la rentrée
Publié le 9 septembre 2024 à 10h09
Voyage, histoire et politique, l’année 2024 est un excellent cru sur le plan littéraire. L’avenir a du bon vous a sélectionné ses pépites.
En septembre, il n’y a pas que les classes qui se remplissent : les étagères de librairies sont sur le qui-vive pour accueillir les nouveautés. Premiers romans, course au prix littéraire ou coup de cœur national, il est encore trop tôt pour les pronostics mais, à la rédaction, on peut d’ores et déjà vous présenter les titres qui nous ont bouleversés.
Plein phare sur l’Égypte
Dans les années 1950, Alexandrie est le théâtre de soirées effervescentes où un groupe d'amis se retrouve au bar de l'Artinos, sur la corniche, pour refaire le monde autour de quelques verres. Animés par un amour indéfectible pour leur ville cosmopolite, ces hommes et femmes se heurtent pourtant aux réalités de l'Égypte en pleine transformation sous l'ère de Gamal Abdel Nasser. Entre quête de justice, rêves de beauté et désirs d’amour, ils sont confrontés à une époque où tout bascule. Que deviendra leur ville dans ce monde en mutation ?
Dans Au soir d’Alexandrie, Alaa al-Aswany livre une fresque humaine et historique d’une rare profondeur. En suivant un groupe d’amis — intellectuels, rêveurs, révolutionnaires — qui se retrouvent au restaurant dans l’Alexandrie des années 1950, al-Aswany capte avec finesse l’esprit de l’époque Nasser, marquée par les bouleversements sociaux et politiques. Ces personnages, pris dans les tourments d’une société en déclin, reflètent une Égypte où les repères se délitent, laissant place à la désillusion. Le roman mêle subtilement nostalgie et réflexion sur le passé. L’auteur, maître dans l’art de la caractérisation, donne vie à des figures qui semblent presque familières, qu’on a hâte de retrouver au fil des pages. Aucun ne laisse indifférent comme cette Alexandrie vibrante mais évanescente. Une fresque humaine et historique d’une rare profondeur.
Au soir d’Alexandrie, d’Alaa al-Aswany. Actes Sud, 384 pp. Sortie le 4 septembre 2024.
Gare aux faux semblants
Londres, 1873. Mrs. Eliza Touchet, gouvernante écossaise et cousine par alliance du célèbre mais déclinant romancier William Ainsworth, observe le monde d’un regard sceptique. Après trente ans passés dans l'ombre d'un homme dont elle doute du talent, elle se méfie des apparences, que ce soit celles des écrivains comme Charles Dickens, qu'elle trouve moraliste et tyrannique, ou de l'Angleterre elle-même. Embarquée dans l’hystérie nationale provoquée par le procès Tichborne, une affaire où un boucher australien prétend être l'héritier d'une riche famille anglaise, elle commence à remettre en question ses certitudes. Andrew Bogle, un ancien esclave jamaïcain, est le témoin clé de ce procès retentissant. Son avenir dépend de la manière dont il saura délivrer son histoire. Mais dans un monde où la vérité se confond avec le mensonge, qui peut dire où se trouve la réalité ?
L’imposture de Zadie Smith nous transporte dans l’Angleterre victorienne, où les destins d’Eliza Touchet, gouvernante désillusionnée, et d’Andrew Bogle, ancien esclave jamaïcain, se rencontrent autour du célèbre procès Tichborne. À travers ces deux personnages, Smith explore avec finesse les thèmes de l’identité, de la tromperie et de la vérité, tout en dressant une critique acérée des conventions sociales de l’époque. La narration, inspirée de faits réels, offre une réflexion profonde sur la justice et le pouvoir. L’imposture saisit l’attention par son regard percutant sur les enjeux du passé résonnant à bien des égards avec notre époque. Un roman exigeant, passionnant et résolument moderne.
L’imposture de Zadie Smith. Gallimard, « Du monde entier », 546 pp. L’autrice a également écrit un excellent essai sur l’élaboration de ce roman à retrouver ici.
Voyage au centre… du berceau de la civilisation
Gertrude Bell, une femme que l'Histoire a trop longtemps oubliée, a pourtant façonné le destin du Moyen-Orient après la Première Guerre mondiale. Aventurière intrépide, archéologue passionnée, et espionne redoutable, elle a dessiné les frontières d’une région qui deviendra le berceau de tant de conflits. Maîtrisant l'arabe et le persan, Gertrude s'impose comme une figure incontournable de l'Empire britannique, mais aussi une héroïne tragique et complexe, partagée entre idéalisme et impérialisme.
Mesopotamia d’Olivier Guez met en lumière la figure méconnue de Gertrude Bell, révélant son rôle crucial dans le façonnement politique du Moyen-Orient moderne. Le roman nous entraîne à travers des paysages lointains et des intrigues politiques où s'entrelacent ambitions impérialistes et réalités locales. Guez dresse un portrait nuancé de cette héritière audacieuse, avide de découvrir et de comprendre le monde dans ses moindres détails. Mésopotamie échappe à l’écueil du récit héroïque, préférant rendre hommage à Bell tant dans ses réussites que dans ses échecs. Le travail de recherche et la précision historique sont exemplaires, et le roman oscille entre l’aventure à la Jules Verne et un manuel d’histoire pour quiconque souhaite comprendre les origines des conflits contemporains au Moyen-Orient. Ne soyez pas surpris si, en fermant ce livre, vous ressentez l’irrésistible envie de revoir Lawrence d’Arabie de David Lean.
Mesopotamia d’Olivier Guez. Grasset, 416 pp. Sortie le 14 août 2024.
Autrice : Carla P
Crédit Photo : Ria/unsplash, Actes sud, Gallimard, Grasset