# Économie

Comment les ESAT réinventent le monde du travail 

Publié le 28 décembre 2023 à 23h00

Des collègues travaillent ensemble sur un projet
Des collègues travaillent ensemble sur un projet

Les ESAT en France offrent un cadre d'insertion sociale et professionnelle aux travailleurs en situation de handicap. Ces établissements proposent des activités encadrées par des professionnels, favorisant ainsi l'épanouissement personnel des participants. Essentiels pour l'intégration des personnes en situation de handicap sur le marché du travail, ils contribuent à créer un environnement inclusif et adapté à leurs besoins.

Connaissez-vous les ESAT ? Les « Etablissements et Service d’Aide pour le Travail » sont des structures médico-sociales du monde du travail dit protégé, c’est-à-dire à destination des personnes en situation de handicap. Ils offrent des modalités de travail adaptées aux personnes qui y évoluent.

La philosophe Gabrielle Halpern s’est plongée dans le monde des ESAT pour en tirer une note de prospective, publiée sur le site de la Fondation Jean Jaurès. Un moyen de découvrir ce monde du travail un peu différent du nôtre et de plonger dans des structures qui repensent le rapport au travail et à son sens. Découverte.

Plus de 1 450 structures en France

Le travail en milieu protégé n’est pas nouveau : depuis les années 1950, les établissements de travail pour personnes en situation de handicap existent en France. Aujourd’hui, il existe plus de 1 450 ESAT en France, pour environ 120 000 travailleurs en situation de handicap y évoluant quotidiennement, selon les chiffres de l’association Andicat.

Les ESAT permettent aux personnes en situation de handicap de bénéficier de conditions de travail aménagées et d’une vie sociale et professionnelle. Ce sont aussi des lieux où elles se forment et montent en compétences pour, selon les individus, rejoindre le milieu ordinaire ou non. Les ESAT ont aussi des objectifs économiques : comme toute entreprise, leur but est de permettre à leurs dirigeants comme salariés de gagner correctement leur vie. Maçonnerie, travaux d’espaces verts, aménagement, menuiserie, textile : les domaines de compétences en ESAT sont aussi variés que le monde professionnel peut l’être. 

Qu’est-ce que les ESAT peuvent apporter au milieu ordinaire ? 

La philosophe Gabrielle Halpern a été interpellée par ces établissements, qu’elle connaissait alors mal, en plein débat sur la réforme des retraites. Après avoir rencontré plusieurs personnes évoluant dans ces établissements, elle réalise que celles-ci font souvent part de leur bien-être au travail et du sens que celui-ci leur apporte quotidiennement – tout le contraire du climat ambiant au sein du milieu du travail ordinaire. 

Accompagnée par la Cité de l’Economie et des Métiers de Demain ainsi qu’Andicat, l’association des directeurs d’ESAT, elle se lance dans une enquête de terrain sur le fonctionnement de ces structures. Qu’est-ce qui les différencie ? Comment fonctionne le quotidien dans ces établissements ? Et si c’était le « milieu ordinaire » qui devait s’inspirer du « milieu protégé » et non l’inverse, comme on le pense souvent ? « Considérer le travail comme un moyen, et non comme une fin en soi, pourrait bien constituer une approche salutaire pour le milieu ordinaire », explique ainsi la philosophe. Elle cite l’exemple d’une travailleuse qu’elle a pu rencontrer en ESAT. « En milieu protégé, j’ai le temps de relever la tête régulièrement quand je travaille pour reposer mes yeux et en prendre soin, parce qu’au bout d’un moment, quand vous êtes à un poste de contrôle des pièces, vos yeux vous font mal. J’ai le temps d’aider ma collègue si elle en a besoin », explique-t-elle. 

Repenser son rapport au temps, mais aussi à son passé et son futur : si en milieu ordinaire on prend le CV et les expériences passées comme référence, les ESAT misent sur « l’autodétermination », « c’est-à-dire la faculté à exercer des choix librement » et s’engager en fonction de sa motivation et ses envies. Gabrielle Halpern explique ainsi que les ESAT sont des lieux où l’on se forme quotidiennement et où la place laissée à l’apprentissage en entreprise est plus grande qu’en milieu ordinaire. 

L’approche managériale, « sur-mesure », permet par ailleurs aux travailleurs de vivre la vie en entreprise selon leurs contraintes et besoins. « En effet, d’un jour sur l’autre, d’une semaine à une autre, les besoins ou les contraintes liées au handicap comme la fatigue peuvent requérir un changement d’activité. Toutes les parties prenantes interrogées au sein de l’échantillon ont expliqué la manière dont elles s'adaptent à chacun », note le texte. Un besoin d’adaptabilité que Gabrielle Halpern met en perspective avec la volonté de nombreux travailleurs du milieu ordinaire de devenir freelance pour gagner en autonomie au quotidien. 

Les exemples de pratiques ou méthodes cités dans cette note de prospective sont nombreux. Ils permettent de réfléchir à un monde du travail que l’on connaît peu et surtout de découvrir avec plaisir son « hospitalité », comme le dit l’autrice. 

Auteur : Benjamin B

Crédit Photo : enigma_images/iStock

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