# Lifestyle

Au Studio de Lostanges, on upcycle contre vents et marées

Publié le 15 mars 2023 à 23h00

L'édition n°6 du Studio de Lostanges
L'édition n°6 du Studio de Lostanges

Des pulls cosy, des chemisiers bohèmes, un univers qui sent la mer en été… En quatre ans, le Studio de Lostanges est devenu le secret le mieux gardé des fans de mode chic et durable. Rencontre avec deux filles dans le vent.

Le Studio de Lostanges est une marque créée par deux sœurs franco-allemandes, Louise et Jeanne Tresvaux du Fraval. La première étant en Bretagne, c’est Jeanne que L’Avenir a du bon a rencontrée un vendredi sur une terrasse baignée de soleil. Depuis 2019, la marque propose deux collections : une permanente et une éphémère, sobrement appelée « édition », et proposant une dizaine de modèles numérotés en édition limitée. 

Un projet à échelle humaine qui coïncide aussi avec leurs vies respectives. Jeanne est designer d’objet, plasticienne, travaille pour des marques en tant que scénographe et conçoit des objets. Sa sœur est styliste, spécialisée dans les costumes. Elles se retrouvent autour de Lostanges, jouant avec leurs créations, leurs envies, leurs inspirations, comme lorsqu’elles se retrouvaient des étés entiers dans leur maison de famille sur la côte nord de la Bretagne. Rencontre. 

Jeanne et Louise Tresvaux du Fraval
Jeanne et Louise Tresvaux du Fraval

Comment est né le Studio de Lostanges ?

SDL :

J'ai fait les Arts décoratifs où je me suis spécialisée dans l'image imprimée, puis j'ai fait du design objet à Amsterdam. Lorsque j'ai monté le studio il y a quatre ans, Louise, ma sœur, qui est fashion designer, était en Allemagne. Ce projet s’est construit entre Paris et Hambourg. L'idée était de prendre des matériaux existants pour créer des pièces indémodables mais aussi pour en limiter la production et, donc, le gaspillage. Acheter des vieux stocks, c'est quelque chose qu'on a toujours apprécié faire et on avait ce goût des beaux matériaux. Puis, une année, nous avons pu faire des pulls dans la pure tradition bretonne. Les usines ne sont pas faciles à atteindre car elles sont très sollicitées pour leur savoir-faire. On a eu la chance d’avoir un intermédiaire qui, par la suite, nous a vraiment introduites dans ce milieu pour poursuivre cette aventure.

Comment définiriez-vous votre rapport à la mode ?

SDL :

On ne s'inscrit pas vraiment dans le milieu de la mode de manière générale. Je crois qu'on est toutes les deux un peu à l'opposé de cette mentalité-là. L'idée n'est pas de produire des nouveaux vêtements. Nos éditions s’articulent autour de pièces hyper simples, souvent unisexes, solides et inspirées de vêtements historiques bretons ou des vêtements de travail classiques, qui viennent s'adapter à la garde-robe. Ça reste toujours la pièce qu’on va ajouter, mais qui se démode difficilement et qu’on peut porter en toute saison. Les pièces sont éditées en éditions limitées. Les pièces uniques vont de 2 à 50 exemplaires et sont numérotées. 

Vous semblez entretenir un lien fort avec la Bretagne. 

SDL :

Lorsqu’on n'habitait pas dans la même ville ni dans le même pays, on se retrouvait en vacances en Bretagne. Là-bas, on avait le temps de réfléchir à des projets ou faire des petites choses, fabriquer nos fringues. On s'imaginait toujours faire des projets extraordinaires ensemble. Au moment où on a commencé le studio, nous étions étudiantes et le format « édition » paraissait parfaitement adapté à nos projets. C’est en Bretagne que tout a commencé, créativement. Et puis, il y a l’aspect écologique et le fait de travailler à échelle humaine. C'est trop chouette de pouvoir te dire que tu prends le train pour rencontrer les ouvriers. Puisqu’on fait de petites éditions, on peut prendre le temps de discuter avec eux, de faire des allers retours pour chaque modèle. 

Quelle est la spécificité de cette fabrication bretonne ?

SDL :

Quand on pense à la Bretagne, on pense aux pulls marins dans cette maille très lourde. Ils travaillent exclusivement de la pure laine, de la laine mérinos et éventuellement du coton, mais c'est à peu près tout. Cela donne cette qualité du pull qui ne peluche pas, contrairement à tous les produits fabriqués avec des laines un peu plus modifiées. En plus de cela, on travaille essentiellement avec des vieux matériaux durables comme le métissé, qui est un mélange de lin et de coton que l’on retrouve dans le linge de maison. On en rachète en énorme quantité, car on peut confectionner beaucoup de vêtements dans cette toile. Elle est facile à travailler et à transformer en plus d’être très qualitative. A part ça, on travaille avec beaucoup de stocks de grandes maisons de couture. On choisit de très beaux matériaux mais c’est vrai que cela nous limite au niveau des quantités.

Est-ce que le fait d’avoir peu ou pas de stock constitue la raison pour laquelle vous n’ouvrez pas de boutique ?

SDL :

En fait, ce n’est pas notre métier, je ne suis pas sûre qu’on sache gérer. De temps en temps, on fait des ventes comme cet hiver au moment des fêtes avec une autre marque qui s'appelle Table, qui fait dans l'art de la table. Notre clientèle est principalement constituée de boutiques qui achètent nos pièces, notamment au Japon, aux États-Unis, en Europe du Nord et un peu en France. En général, les boutiques commandent entre six mois et un an à l'avance. Nous leur présentons un cahier d’échantillons et de modèles. Ils n’ont plus qu’à commander les quantités qu’ils souhaitent et nous les faisons produire. Ainsi, pas de gaspillage et jamais trop de stock.

Est-ce que le réemploi fait aussi partie de vos pratiques, en dehors de ce projet commun ? En tant que designeuse ou plasticienne.

SDL :

Oui, on a toujours eu cette manière de penser qui, je pense, est assez opposée à ce qu'on apprend dans une école de design. A partir de la matière qu'on va collecter toute l'année - des boutons anciens, des tissus, des patronages, des fringues qu'on adore… -  on va réfléchir à la forme et pas l'inverse. 

Finalement, tout votre processus tourne autour de vos trouvailles et d’expérimentations.

SDL :

On aime trop jouer avec ça. Se donner des contraintes, c'est aussi ce qui pousse à la création. Penser des choses qui sont de l'ordre de la consommation, c'est trop facile. Je crois que ce n’est pas de la manière qu'on a de penser le monde de demain de manière générale. Je pense que c'est le rôle de tous les designers de réfléchir ensemble.

Quels sont vos meilleurs conseils pour chiner des belles matières et du matériel ?

SDL :

Les brocantes ! Et puis en ligne aussi. Une grosse série de pièces est née à partir d'une belle rencontre sur leboncoin. J’avais trouvé un monsieur qui vendait des rouleaux de tissus en Bretagne mais on était trop éloignés. Le lendemain, il était en bas de chez nous pour une livraison qui n'avait rien à voir. Et il a pu nous amener un bon stock ! Depuis, dès qu’il a quelque chose dont il pense que cela peut nous intéresser, il nous appelle et nous le met de côté. On peut aussi y chiner des vieilles machines ou des bobines de fils qui nous permettent de tester des modèles et créer divers prototypes.

Autrice : Carla P

Crédit Photo : Jeanne et Louise Tresvaux du Fraval / Christopher Barraja

Partager